Crise au ministère de la Fonction publique : Vers « une déstructuration de notre Administration publique », prévient un cadre

Depuis mai 2019, on assiste à un ralentissement des activités dans les administrations en charge de la gestion des ressources humaines dans les ministères et institutions publiques. A observer de près, cette démotivation serait la résultante de la non satisfaction des engagements pris par le gouvernement dans le cadre de leur protocole d’accord signé avec lui en date du 04 août 2017.

Les gestionnaires estiment que l’attitude du ministre de la Fonction publique, du travail et de la protection sociale est contraire à l’engagement du chef du gouvernement d’apurer tous les passifs contractés par l’Etat dans le cadre des protocoles d’accords sectoriels signés avant 2018 à moins que le gouvernement ne veuille se renier lui-même, auquel cas cela constituerait un danger pour notre pays. Ils en veulent pour preuve le fait que, jusqu’à ce jour, le cadre de travail qui devrait permettre de trouver des solutions coconstruites à leurs préoccupations n’a jamais été opérationnalisé alors que dans le même temps la quasi-totalité des partenaires sociaux qui avaient des protocoles d’accord et qui ont mis le gouvernement face à ses responsabilités ont soit trouvé satisfaction, soit sont en cours de négociation avec leur ministre de tutelle.

C’est ainsi que, contrairement à l’instruction faite par le Premier ministre, chef du gouvernement, à tous les ministres de trouver avec les partenaires sociaux des solutions sectorielles pour le respect des engagements pris par le gouvernement, le ministre de la Fonction publique s’est engagé dans une chasse aux sorcières en voulant écarter ses proches qui ne partagent pas sa gestion de la crise qui se vit au sein de son département.

Cela s’est d’autant traduit par la « sanction » en conseil des ministres du 25 juillet 2019, du Directeur de l’Organisation des Concours (DOC) par ailleurs secrétaire général du Syndicat national des gestionnaires des ressources humaines de l’administration publique (SYNAGRH) pour son supposé manquement au non-respect du secret professionnel auquel il était astreint dans le cadre de l’exercice de ses fonctions en affirmant sur les ondes de 3TV et de Wat FM que : « les concours sont organisés sur la base des textes déjà dépassés…Il y a eu trop de problèmes l’année dernière avec la correction électronique des concours. Si je dois réellement décrire ces conditions, je crois que tous les candidats vont se mettre à protester ».

Plutôt que d’apporter un démenti officiel aux propos tenus par le Secrétaire général du SYNAGRH sur le plateau du « Tribunal de l’actualité » afin de rassurer les nombreux jeunes Burkinabè, sur la crédibilité et l’intégrité des opérations de concours session 2018 et 2019, le ministre a préféré faire dans la diversion en demandant au conseil des ministres l’autorisation de diligenter une mission de l’ASCE-LC pour selon lui s’assurer du fonctionnement des services de son ministère. Tout cela montre que le ministre veut masquer ses lacunes.

A cette bavure s’ajoute le fait qu’une délégation du ministère de la Fonction publique, du travail et de la protection sociale, conduite par le ministre lui-même, se soit rendue à l’Agence générale de recrutement de l’Etat (AGRE), où des propos menaçants et intimidants ont été tenus à l’endroit des agents. Toute chose qui a contribué à radicaliser les positions.

Contre toute attente, les gestionnaires disent être heureux de savoir qu’il existe encore dans ce pays des hommes à l’image de l’Ex -DOC par ailleurs Secrétaire général du SYNAGRH qui place le dévouement au-dessus de l’ambition et l’intégrité au-dessus de l’opportunité en acceptant de perdre son poste pour défendre la vérité. Nos ministres sont loin d’être ceux qui veulent aider son Excellence Monsieur le Président du Faso. Car, « on ne secoue pas le pied lorsqu’on piétine des défécations ». Il faut le laver.

Le ministre de la Fonction publique actuellement en panne d’inspiration et de génie (…) passe par tous les moyens pour intimider ses collaborateurs. La conclusion que les agents du MFPTPS tirent de ces agissements, est que le ministre Ouédraogo fait perdre au gouvernement du temps et de l’argent dans la mesure où on ne saurait régler un problème structurel à travers des menaces et intimidations.

Il vous souviendra que ce mode de gestion aux antipodes des théories modernes du management de monsieur Ouédraogo qui avait déjà fait l’objet de dénonciation plus tôt au cours de l’année par le SYNACIT ( Syndicat autonome des inspecteurs et contrôleurs du travail) est aussi déploré par les secrétaires du MFPTPS à travers le SYNASEB ( Syndicat national des secrétaires du Burkina) qui prévoit une série d’actions notamment une grève pour compter du 02 septembre 2019.

Tout ceci montre que le ministre, au-delà de son titre de Professeur titulaire en droit, n’est pas en mesure de porter le dialogue social dont il est tributaire eu égard aux attributions de son ministère et ce n’est pas l’UAS qui dira le contraire dans la mesure où depuis l’accession de monsieur Ouédraogo à la tête d’un département aussi stratégique pour l’apaisement du climat social avec les partenaires, aucun cadre de dialogue aussi bien au niveau sectoriel qu’au niveau national n’est fonctionnel.

L’organisation des concours est l’une des activités phares du MFPTPS, qui suscite l’intérêt d’une grande partie de la population. Seulement, cette année, les concours sont organisés dans des conditions calamiteuses avec un risque énorme de fraudes avec pour conséquence de ternir l’image du ministère de la Fonction publique que ses prédécesseurs ont travaillé à redorer et cela même au-delà de nos frontières nationales compte tenu de la crédibilité, l’intégrité et le professionnalisme avec lesquels étaient organisés les concours de notre fonction publique, premier pourvoyeur d’emplois pour les nombreux jeunes diplômés.

De plus, il faut rappeler que le processus de recrutement de l’agent public prend fin à son intégration ou à son reclassement constaté soit par un arrêté d’intégration pour les admis au concours directs, soit par un arrêté de reclassement pour les admis au concours professionnels. Sans oublier les problèmes de contentieux liés aux concours qui viendraient à naitre vu les conditions catastrophiques dans lesquelles ils sont organisés (cas de l’épineuse question de l’appel des candidats de la liste d’attente du concours de la GSP qui jusqu’à ce jour n’a connu de solution).

Tous ces éléments mis ensemble ne sont pas de nature à garantir la crédibilité du processus, ouvrant ainsi la porte à des cas de fraudes pouvant déboucher sur une éventuelle crise sociale dans un contexte sécuritaire déjà marqué par la montée du terrorisme provoquant des centaines de milliers de familles de déplacées en interne.

Pour les agents du MFPTPS, la posture actuelle du ministre de la Fonction publique consiste à organiser les activités de concours quand bien même elles seront mal réalisées, quitte à ce que le gouvernement prenne à l’avenir des mesures pour corriger ses erreurs. Ils estiment que monsieur le ministre devrait s’inscrire dans une posture d’homme d’Etat où ses actions ne sapent pas les actions du gouvernement dont il est lui-même membre et éviter au maximum de compromettre la gestion des gouvernements futurs de par son incompétence.

Tout ceci montre que le ministre de la Fonction publique méconnait les attributions de son département, ce qui n’est pas étonnant dans la mesure où ses activités académiques qu’il a opposées au chef de l’Etat pour négocier son salaire de ministre comme condition première pour servir son pays, prennent le dessus sur sa fonction de ministre de la république. Ce désintéressement pour les missions dévolues au MFPTPS l’amène à faire une fixation sur la seule activité d’organisation des concours comme si c’était la seule activité de son département.

Monsieur le ministre Ouédraogo ne s’est pas encore rendu compte que son incompétence à bien gérer son département ministériel impacte négativement le bon fonctionnement des autres ministères et institutions publiques et partant de toute l’administration étant donné que la fonction ressources humaines est une matière transversale et interministérielle. Pour preuve, de nombreux actes de carrière sont de nos jours en souffrance dans les structures de gestion des ressources humaines parmi lesquels :

-  les difficultés d’opérationnalisation de la loi portant fonction publique hospitalière où le personnel régi par le périmètre de la loi n°081 doit être « détaché » dans les formations sanitaires ;

-  l’adoption et la mise en œuvre du statut valorisant du MENAPLN et des statuts particuliers des autres départements ministériels surtout celui de la santé sans lequel il faut craindre de nouvelles pertes en vies humaines ;

-  la bonification d’échelon accordé à titre exceptionnel au personnel du MENAPLN ;

-  le reversement des GSP et des greffiers dans leurs nouveaux tableaux de reversements ;

-  plus de dix mille (10.000) actes d’intégration et de reclassement à élaborer au profit des sortants des écoles et centres de formation professionnelle sans lesquels les intéressés ne peuvent percevoir de salaires ;

-  les corrections de salaires, des indemnités, des allocations familiales, etc. ;

-  plusieurs milliers d’actes de sortie temporaire ou définitive à élaborer ;

-  une centaine de demandes de régularisations de situation administrative sans lesquelles les intéressés ne peuvent percevoir de salaires ;

-  les retards d’avancement des années 2015, 2016, 2017 pour ne citer que ceux-là ;

-  plus de cent mille (100.000) agents à avancer sur la période 2017-2018 ;

-  le bouleversement du calendrier de la rentrée dans les écoles et centres de formation professionnelle ;

-  plusieurs milliards d’impayés que le gouvernement va traîner au cours des prochaines années ;

-  etc.

Par ailleurs, pour une question de délai accordé par la CNSE au gouvernement pour constater l’incidence financière de la bonification d’échelon, le ministre de la Fonction publique a foulé aux pieds les règles de base de la pratique administrative qui commande, pour pouvoir bénéficier des effets financiers d’un acte, qu’ il faut que celui-ci existe physiquement.

C’est ainsi que plusieurs agents du MENAPLN ont pu constater sur leurs bulletins de salaires l’incidence financière de la bonification d’échelon accordée à titre exceptionnel alors que l’acte physique n’existe pas. Etant donné que ces agents se retrouvent sans un acte physique indiquant leurs dernières situations administratives, cela est la naissance d’un contentieux de carrière par le simple fait du ministre de la fonction publique et les agents se trouvant malheureusement dans cette situation ne pourront pas se prévaloir d’un certain nombre de leurs droits notamment celui à l’avancement.

Le même contentieux existe pour le personnel de la santé qui se retrouverait dans une formation sanitaire sans acte de détachement qui à leur retraite auront toutes les difficultés pour justifier cette irrégularité.

L’entêtement du ministre de la fonction publique à ignorer les conséquences de ses agissements malgré les nombreuses interpellations faites par les acteurs métiers, ses proches collaborateurs et quelques membres du gouvernement, ont amené les gestionnaires, en toute responsabilité, à se démarquer des agissements fautifs d’un ministre dépourvu du sens de l’Etat dans la mesure où assurer la continuité du service public dans les meilleures conditions n’est nullement sa priorité. Pour ce faire, toute situation administrative irrégulière due à l’entêtement et aux mesures de contournements pendant cette période de démotivation généralisée des agents ne saurait être régularisée par ces derniers.

Ce n’est plus un secret pour personne, il faut simplement se rendre à l’évidence. Les agissements du ministre de la fonction publique sont loin de rendre service à la gouvernance actuelle dans la mesure où c’est sous la gouvernance de l’actuel parti au pouvoir qu’on assistera à une déstructuration de notre administration publique prise en tant que système. C’est connu de tous, le privé ne peut pas rendre le service public et si aujourd’hui notre administration venait à se déstructurer, c’est tout le pays qui en pâtirait.

Malgré le contexte sécuritaire assez préoccupant, laisser le ministre de la fonction publique dans cette cavale suicidaire et sans issue favorable au régime actuel ne saurait justifier l’inaction du chef de l’Etat et du chef du gouvernement à interpeller monsieur Ouédraogo. Car l’incompétence d’un seul homme à bien gérer son département ne devrait saper tous les efforts faits par le gouvernement pour sortir notre pays à tous de la spirale négative dans laquelle il se trouve.

Mon écrit vise à interpeller leurs Excellences messieurs le Premier Ministre et le Président du Faso sur les agissements de certains ministres, dont le Pr Séni Ouédraogo, qui handicapent les actions de tout le gouvernement. Notre pays n’a pas besoin de tant de remous dans nos administrations. Si au niveau sécuritaire les choses s’améliorent difficilement, alors au niveau administratif il faut que nos ministres soient des modèles.

Ceci est un cri du cœur d’un cadre du ministère de la Fonction publique, du travail et de la protection sociale qui ne peut rester sans dénoncer cette pratique d’un ministre. Au-delà de mes 20 ans de service, j’en appelle à l’implication du Premier ministre pour juguler la crise au MFPTPS entre le ministre et les syndicats dudit ministère dont le SYNAGRH. Car, les agents et les usagers dudit département en payent les frais impunément.

Wango Nobila Issa, cadre administratif

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